Je suis conscient que je n’ai ma place dans ce monde de pouvoir et d’argent (1996)
Jeudi 28 mars 1996. Aujourd’hui la vie est difficile à vivre si on n’a pas des revenus stables. Après une discussion animée avec Daniel au téléphone où je lui disais que désormais je n’attendrais ni ne demanderais plus rien à eux ni à personne d’autre sur le fric, je suis conscient que si je devais ralentir mes dépenses, je devrais commencer par ne plus investir dans le H ni même dans l’herbe ni dans tout ce qui touche de loin ou de près aux plaisirs, pourtant je suis conscient que l’homme est à la recherche du bonheur, donc qu’il a des attentes et certaines attentes peuvent passer par la drogue, résultat pour pas dépenser trop je ne dois plus me faire plaisir et dans un an à ce train-là je me fous en l’air car je trouverai la vie fade.
Dimanche 31 mars. La vie que je mène actuellement ne me va pas, j’en reviens toujours au même problème, l’argent. Il y a certainement un pays ou une région dans ce monde qui se fout de l’argent ? Ça doit être une tribu ancienne qui vit dans une quelconque forêt au bout du monde, un lieu saint et un lieu sain où il n’y a pas besoin, pour être bien, de l’argent, ça doit exister certainement. Je suis conscient que je n’ai pas ma place dans ce monde de pouvoir et d’argent, le problème c’est que je ne sais pas où est mon monde exactement. J’ai peur de dire cela, mais je ne crois pas que je pourrai trouver mon idéal ou même me trouver par moi-même. Tout à l’heure, je voulais tout laisser tomber, tout laisser choir, tout quitter et ne rien emmener avec moi, partir pour une vie meilleure et laisser tout derrière moi pour ne jamais revenir.
J’en ai aussi marre de faire du mal à mes amis, Daniel qui crève chaque jour un peu plus de me voir toujours dans mes problèmes, il me dit souvent qu’il aimerait que mes problèmes s’arrêtent, que je sois enfin heureux. Je sais qu’il est sincère pour ce qu’il me dit, mais la vie l’a décidé autrement. Rodolphe aussi voudrait que mes problèmes arrêtent, ce sont bien les seuls à être encore intéressés par moi.
J’ai oublié ce que voulait dire être heureux, bonheur, plaisir, rire, espoir, envie. Je ne côtoie dans ma vie que la tristesse, la solitude, l’ennui, les malheurs, la souffrance, le désespoir et l’envie de tout arrêter. Est-ce pour cela que mes parents m’ont mis au monde ? De leur plaisir de faire l’amour est sorti un être qui ne comprend pas ce qu’il lui arrive et qui a toutes les peines du monde à faire sa place dans ce même monde.
Un jour, je serai enfin libéré de toute cette souffrance, je ne sais pas encore comment je serai assouvi, mais là n’est pas ma question. Ma question est : qui suis-je ? Et où vais-je ? Et qu’est-ce que je dois faire pour être mieux ? Voilà les trois questions qui me préoccupent désormais. J’ai fait un pacte d’honneur avec Daniel pour ne pas baisser les bras trop facilement, mais à quoi bon persister, pour moi il est déjà trop tard, enfin je le crois mais je ne l’espère pas.
Demain est un autre jour, une autre semaine, un autre mois, si je dois vivre encore longtemps autant que ça soit dans de bonnes conditions. Et si je pensais à moi avant de penser toujours aux autres, et si je me faisais du bien à moi avant de penser toujours aux autres, les autres que je mets dans le même sac, sauf ceux et celles que je respecte parce qu’ils ne m’ont pas montré du doigt. Je peux les compter sur mes deux mains. Mais tous les autres comptent-ils vraiment pour moi ? Et est-ce que je compte vraiment pour eux ? Certainement pas, c’est d’eux que je dois me libérer et ne plus avoir honte ni leur rendre de comptes. Est-ce qu’eux-mêmes m’en rendent, non que je sache.
Je suis à la recherche du bonheur et du repos, aussi du plaisir sans limite. Alors pourquoi je ne le fais tout simplement pas, rien que pour moi et les gens avec qui je suis et qui se trouvent bien avec moi, pourquoi je devrais toujours tout gâcher sur un coup de tête, parce que rien ne marche comme je l’ai décidé.