Je relaterai mon combat pour survivre face à une maladie (1996, 2003)
Samedi 13 juillet 1996. Après avoir mangé quelques chips et piqué du nez à un moment, je me suis levé pour aller me préparer un café et puis plutôt que d’aller me coucher dans le lit j’irai près de la piscine [celle d’un hôtel aux Canaries] m’étendre un peu, ça me fera du bien. Le café est servi, Monsieur ! Le bouquin que je lisais depuis quelques jours (« Philadelphia »), je l’ai fini hier soir avant de me coucher, je dois dire qu’il m’a vachement impressionné même si je savais comment il allait finir.
Je n’aimerais pas finir comme lui du moins du sida et dans les conditions qu’il a fini. J’aurais aimé faire un livre sur ma vie pour laisser quelque chose de moi quand je n’y serai plus. Un bouquin avec des photos de moi avec d’autres personnes qui auraient compté pour moi. Ne pas mourir anonymement comme bien d’autres sont partis. J’aurais aimé que ma famille coopère sur ce livre mais je n’attends rien d’eux désormais et même s’ils le faisaient ils ne diraient pas toute la vérité, ils diront n’importe quoi à mon sujet. En vérité, ils ne savent rien de moi car je n’ai jamais vraiment vécu avec eux, les seuls qui pourraient parler de moi seraient en fait mes amants et mes amis-es proches. Pourtant la famille est importante pour établir un livre, la seule personne dans ma famille qui voulait écrire un livre sur moi était ma sœur Rosalie qui m’en a parlé il y a quelques années auparavant, mais est-ce qu’elle a oublié depuis, je ne lui en ai pas reparlé. Daniel m’a dit qu’il le ferait, mais j’aimerais qu’il le fasse avant que je parte les pieds devant, je verrai bien s’il le commence, ça sera toujours ça.
Jeudi 28 août 2003 à 01H30 du matin. Les revers de ma sieste de 3H30 cet après-midi se font sentir à présent. Je ne trouve pas le sommeil, seul avec ma détresse je déambule sur le papier blanc à la recherche de quelques inspirations primitives qui me sauveraient de mon malheur. L’écriture est le moyen le plus sûr pour moi de partir sans bagages, sans avoir de réelles limites, un instant ici, un autre instant là, je pense aller et venir à ma guise sans jamais me lasser de l’encre qui coule du stylo Bic. Ce que je raconte n’est pas le plus important, le plus important c’est d’écouter la musique du stylo Bic sur la feuille de papier blanc.
Autour de moi, on me presse d’écrire ma vie, j’y pense et puis hésite, sentant que le travail ne serait pas facile à affronter seul. Pourtant c’est une bonne idée, peut-être deviendrais-je riche et célèbre à mon tour ou peut-être que je ne serais connu de personne. Mais est-ce bien important d’être riche de nos jours ? Oui ! je le pense très fort de plus en plus. Pourtant, si je fais ce livre, ce n’est pas pour l’argent mais pour raconter mon histoire, mon combat, moi face à mes galères, moi face à la maladie, moi face à l’amitié, moi face à l’amour des hommes et d’une femme. Pour cela je dois reconstituer mon histoire, ma famille, mes frères et sœurs, mes copains à l’école, mes amitiés avec certains et avec d’autres non désirées.
Je crois que ça fait beaucoup trop pour moi, de plus ça me replonge dans des trips que je ne veux plus penser aujourd’hui. Si j’écris un livre sur moi, je relaterai mon combat pour survivre face à une maladie. Vivre avec le sida en 2003 serait le titre du bouquin, je relaterai partiellement mes parents, mes frères et sœurs, et ferai l’impasse sur les viols à l’école ainsi que mes rencontres avec d’autres mecs sans importance pour moi et pour les lecteurs, je relaterai ma vie avec Éric, comment il m’a contaminé sans rien me dire et m’a condamné à une santé et une vie de chiotte. Je relaterai ma rencontre avec Daniel et Rodolphe, comment ils ont atterri dans ma vie. Je relaterai d’abord notre amour et puis notre amitié à vie et même immortelle, je relaterai mon renoncement aux sexes masculins pour souffrir et penser à Dieu. Puis je relaterai ma timide rencontre avec les femmes et enfin l’amour d’une femme en particulier, Négus.
Je ne peux pas trop changer de vie, j’assume la tête haute ce que je suis même si ça peut déranger certains ou certaines. Que celui qui n’a jamais été tenté vienne me le dire en face. Mon livre sera un bouquin d’espoir pour tous les séropositifs en France et dans le monde, j’expliquerai que la maladie peut être partiellement guérie si le sujet a la foi dans son cœur, et qu’il ne doit pas perdre la joie de vivre même allongé sur un lit d’hôpital seul et désarmé. Car à ce moment-là Dieu se présente à soi et entend nos prières, si nous voulons vivre il faut lui dire, si nous voulons mourir il faut lui dire aussi, tout repose sur notre propre combat face à la maladie, tant que nous respirons il y a toujours de l’espoir et c’est le plus beau cadeau de vivre sur terre et non sous terre. Quoique mourir est normal, je le conçois volontiers, je souhaite pouvoir vivre longtemps avec ma jeune princesse et mes quelques amis qui m’aiment et me cajolent. Je suis un homme tout ce qu’il y a de plus normal.